Stéphane Pérussault
Ce mois ci, @éronews nous emmène à l'époque d'une fabuleuse aventure humaine, où une poignée d'homme courageux issue d'une petite firme française dominait le monde de la vitesse, en nous présentant :
Les Caudron "Coupe Deutsch" de Marcel Riffard
Heureux temps des fuselages profilés, des ailes réduites, et des bolides bleus qui frôlaient les 500 km/h avec moins de 500 cv. Nous sommes au début des années 30, et une firme française va dominer le monde des courses de vitesse de l'entre-deux guerres...
L'aventure californienne Caractéristiques En modèle réduit Documentation
C'est fin 1931 que Mlle Suzanne Deutsch de la Meurthe, membre très agissant de l'Aéro-Club de France, avait décidé de créer une deuxième Coupe Deutsch de la Meurthe pour remplacer la première coupe dotée en 1920 par son illustre père et gagnée définitivement en 1922 par la société Nieuport-Delage. Pour cette nouvelle compétition, la commission d'aviation de l'Aéro-Club de France avait élaboré un règlement très simple et remarquablement prévoyant, dont le seul paramètre était la limitation de la cylindrée à huit litres, avec ou sans suralimentation. Aucun appareil de cette spécification n'existait à l'époque, même dans l'industrie étrangère, et la nouvelle coupe représentait donc un défi pour les motoristes et pour les ingénieurs de l'aéronautique.
En janvier 1932, Marcel Riffard quitta le Bureau d'Etudes de l'Omnium Métallurgique Industriel qui fabriquait des petits moteurs de la marque Chaise pour prendre la direction technique de la société des Frères Caudron. Il fut rapidement rejoint au mois de juillet par le jeune ingénieur Georges Otfinovsky, qui avait déjà collaboré avec lui au sein du bureau d'études de l'O.M.I. Cette association de talents allait pouvoir donner naissance au plus fabuleux programme d'avions de courses français de l'entre-deux guerres.
Peu après l'arrivée d'Otfinovsky chez Caudron, on commença à travailler au nouveau projet sportif de Marcel Riffard. Celui-ci fut étudié dans un seul but : obtenir une cellule la plus fine et la plus aérodynamique possible afin de tirer le meilleur parti de moteurs de cylindrée limitée (pour l'époque ).
La
voilure mi-basse était dotée d'un profil symétrique du type Hoff, d'une épaisseur
remarquablement faible et la forme caractéristique en plan est fortement effilée. Le
fuselage extrêmement fin était bien profilé avec un pare-brise et des empennages qui
deviendront une des caractéristiques du design Caudron. Le train est fixe, assez étroit,
et très finement caréné.
La première compétition pour la Coupe Deutsch de la Meurthe était prévue pour le 28 mai 1933 et pour cet événement les Avions Caudron avaient lancé en fabrication trois cellules du type C360. Les deux premières cellules avaient reçu le moteur Renault Bengali Spécial à quatre cylindres, de 6,33 litres de cylindrée et d'une puissance de 170 ch à 2500 trs/mn. Ces deux avions avaient 7,070 m de longueur et on les désigna C362.
La Société Régnier acheta la troisième cellule et la modifia pour y installer le seul exemplaire dont la mise au point était achevée de son moteur R-6, de six cylindres en ligne inversés, 8 litres de cylindrée et d'une puissance de 205 ch au régime maximum de 2450 trs/mn. Ce moteur considérablement plus puissant était aussi plus lourd que le Renault et Régnier avait dû l'installer plus près de la cloison pare-feu pour ne pas avoir un centrage trop avant. Le fuselage Caudron était resté identique mais la longueur était ramenée à 6,885 m et l'avion, qui ne vola que bien après les deux C362, reçut l'indicatif C366.
La construction des trois avions était entièrement en bois, sauf le capotage moteur, les carénages supérieurs du fuselage et ceux du train fixe. Construite d'une seule pièce, la voilure monolongeron avait des épaisseurs relatives de 12,8 % à l'emplanture de 6,4 % à l'extrémité, avec l'extrados entièrement rectiligne et le dièdre obtenu parla diminution de l'épaisseur aux extrémités. L'angle de calage était de 2° et l'effilement de 40 %, tandis que le profilage gracieux des saumons était destiné à devenir typiquement Caudron pour des années. Tout le bord de fuite était occupé par les volets de courbure et les ailerons, tous d'une corde qui représentaient 30 % de celle de l'aile.
Le longeron
était une poutre large à âme pleine de section rectangulaire dont la largeur de même
que la hauteur diminuait vers les bouts. Dans la partie centrale, les âmes étaient en
spruce pour mieux tenir les efforts de torsion qui résultaient de l'installation du train
d'atterrissage sur la face antérieure du longeron, mais à l'extérieur du train les
âmes étaient en contre-plaqué de bouleau d'épaisseur décroissante. Les semelles en
spruce consistaient en cinq planches collées à la presse et ensuite travaillées à la
toupie pour réduire leur épaisseur vers l'extrémité. Les nervures à âme pleine
étaient en contre-plaqué de bouleau et un faux longeron de spruce portait les volets de
courbure et es ailerons. Ces surfaces étaient constituées par un longeron caisson avec
bord n'attaque rond et des nervures en contre-plaqué. L'aile entière avec les quatre
surfaces mobiles avait un recouvrement en contre-plaqué de bouleau avec entoilage.
A l'évidence, la netteté, la simplicité et la logique de cette voilure élégante étaient répétées dans le dessin du fuselage, qui se composait essentiellement de deux poutres verticales à âme pleine en contre-plaqué de bouleau, raidies par de petits montants et avec des semelles en spruce. Les poutres étaient réunies par des cloisons en contre-plaqué et spruce, ainsi que des croisillons horizontaux, supérieurs et inférieurs. Les poutres de fuselage étaient échancrées pour laisser passer le longeron de l'aile qui était renforcé, lui, par deux fortes plaquettes en Dural et attaché à chaques poutres, également renforcées, par deux boulons.
Au-dessus de
l'attache de la voilure était situé le réservoir d'essence en magnésium soudé, d'une
capacité de 275 litres, Le poste de pilotage était placé en arrière du bord de fuite
de l'aile et muni d'un carénage de tête très étroit et presque entièrement vitré. Ce
carénage, en fait un pare-brise réglable, coulissait vers l'avant avec trois positions
de blocage. La porte d'entrée sur le côté gauche était complètement détachable et
largable en vol en cas d'évacuation en parachute.
Tous les carénages supérieurs étaient en tôle de magnésium et la forme du pare-brise était continuée en un appui-tête suivi d'un profilage important qui se prolongeait jusqu'à la dérive. Le carénage inférieur semi-elliptique était formé de lisses convergentes posées sur des couples en contre-plaqué découpé, avec des onglets en contre-plaqué dans les régions de faible rayon de courbure. Les flancs aussi recevaient des lisses parallèles et étaient également entoilés.
Le fuselage se terminait par un cadre d'étambot avec une poutre verticale où se montait le gouvernail de direction. Ce cadre était armé par des tôles de Dural pour reporter les efforts sur les longerons, et un carénage en électron raccordait le dos du fuselage à la dérive. Toutes les gouvernes étaient d'une construction analogue à celle des ailerons. Le plan fixe était d'une seule pièce et tenu à deux points à l'avant sur la commande réglable d'incidence et un point à l'arrière qui se confondait avec l'axe des gouvernes de profondeur. Les commandes des volets de courbure et celles du plan fixe étaient conjuguées de telle façon que la position de l'avion en vol ne changeait pas avec l'action des volets. Il était aussi possible, pour le pilote, de débrayer le système de commande pour régler indépendamment l'empennage.
Chaque
gouverne était montée sur deux paliers à bille, à rotule. Les ailerons, qui étaient
compensés statiquement et dynamiquement, étaient commandés par un système très
ingénieux développé par Marcel Riffard et composé de deux leviers à angle droit avec
une pièce de section carrée en laiton, montée sur un pivot en acier, coulissant
librement dans une chape plate en acier. Les ailerons et le gouvernail de direction
étaient également commandés par des cordes à piano, mais les gouvernes de profondeur
et les volets de courbure étaient actionnés par des tubes rigides et un système de
bielles et de leviers.
Pour l'année 1933 la réalisation du train d'atterrissage était tout à fait audacieuse. Chaque jambe en porte-à-faux se constituait d'un long caisson en acier, dont la section carrée était fixée par quatre boulons sur la face avant du longeron de l'aile. Un amortisseur oléo-pneumatique, également carré et donc incapable de tourner, coulissait dans ce caisson et se terminait par une fourche en Dural qui portait la roue ballon Goodrich. Le carénage en magnésium de la roue, d'une forme délicieusement fuselée, était vissé rigidement à la fourche. La béquille était formée par deux coquilles en acier soudées, rappelées au cadre d'étambot par un Sandow avec deux butées pour limiter sa course.
La construction du bâti moteur était la même pour les deux types de moteur, soit le Renault à quatre cylindres soit le Régnier à six cylindres, et se composait de deux longerons, de section rectangulaire, réunis par deux grands goussets raidis et soutenus par un bâti triangulé en tubes d'acier soudés. Cette structure était fixée à la cloison pare-feu qui formait l'extrémité avant du fuselage par des chapes boulonnées et le moteur était monté sur des amortisseurs en caoutchouc dur. Le moteur Régnier était plus lourd que le Renault, le bâti du C366 était donc raccourci pour conserver un centrage correct.
La finition des trois nouveaux avions de Marcel Riffard était d'une qualité remarquable. Trois couches d'enduit étaient appliquées pour la tension de la toile et puis l'avion recevait deux couches de bleu mi-foncé chacune soigneusement poncée et enfin couverte d'une mince couche de vernis. Le poli résultant était étonnant - les témoins on dit qu'il ressemblait à une maquette vernie au tampon - tandis que la toile, au toucher rassemblait à une tôle. Grâce à ces surfaces peaufinées la traînée de frottement était considérablement réduite. Comme les autres carénages de ces trois avions Caudron, ceux du capotage moteur montraient un profilage extrêmement soigné. La casserole pointue de l'hélice, le plastron doucement arrondi et les flancs légèrement courbés faisaient un ensemble très harmonieux. Les panneaux latéraux étaient aisément amovibles et sur les C362 seulement, la prise d'air du radiateur d'huile se promettait légèrement de l'intrados. En fait, on avait agrandi progressivement ce conduit pour améliorer l'efficacité du radiateur qui était installé entièrement à l'intérieur du capot.
Si l'effort de Marcel Riffard et des Avions Caudron pour la Coupe Deutsch 1933 fut remarquable, celui de l'année suivante fut tout à fait étonnant. Après la fusion des intérêts de Caudron avec ceux du motoriste Louis Renault en juillet 1933, on avait étudié de nouveau sous la direction de Marcel Riffard, le dessin du C360 en concentrant l'effort sur une diminution de la traînée. Le maître couple du fuselage était réduit de 25 mm, qui représenta une diminution de 10 % de son carré. La silhouette élégante des ailes était exactement conservée, mais l'envergure fut réduite de 50 mm à cause de la largeur moindre du fuselage. Le profil symétrique du type Hoff était également retenu et les épaisseurs relatives furent maintenant 13 % à l'emplanture et 6 % aux extrémités. Le nouveau Caudron était baptisé C460, une désignation qui indiquait que malgré sa descendance évidente du C360, l'avion actuel était d'un type entièrement nouveau.
Le moteur Renault 456 avait été produit par le motoriste spécialement pour la compétition de la Coupe Deutsch et avait six cylindres inversés refroidis par air. Avec 7,96 litres de cylindrée il fournissait normalement 300 ch à 2 900 trs/mn et 325 ch à 3 250 trs/mn pour des périodes courtes. Le bâti moteur était semblable au précédent, avec deux poutres de section triangulaire en alliage léger, réunies par un cintre en acier et soutenues par un bâti rectangulaire en tubes d'acier soudés. Le tout était fixé à la cloison pare-feu, et le moteur était monté sur des Silentblocs souples. Le nouveau capotage était extrêmement bien caréné avec des lignes gracieusement galbées jusqu'à une casserole pointue sur le plastron incliné. L'hélice était du type Ratier à deux pas, actionnée automatiquement par un disque dont la surface était adaptée à une vitesse de décollage donnée. Ce disque, enfoncé par le vent relatif, commandait la valve de dégonflage d'une vessie en caoutchouc agissant sur le pas de l'hélice, et dont on rétablissait la pression au sol à l'aide d'une pompe à bicyclette.
Le radiateur
d'huile était constitué de deux tôles de magnésium soudées, en chicanes. Il formait
une grande partie du capotage inférieure et était divisé en deux moitiés selon l'axe
de l'avion. L'huile chaude du moteur entrait au coin gauche à l'arrière, circulait vers
l'avant, passait à droite et puis vers l'arrière d'où il retournait au réservoir en
magnésium. Ce dernier était installé sur la face de la cloison pare-feu qui était
construite en alliage léger et en amiante.
Le
carénage du poste de pilotage était presque identique à celui du C360, étroit et bien
effilé selon une courbe qui suivait la silhouette gracieuse du fuselage, avec le même
type de petit pare-brise qui coulissait vers l'avant pour l'accès du pilote. Ce dessin de
cockpit était en quelque sorte la signature de Marcel Riffard, comme celui des
empennages, un peu plus grand que ceux de l'avion précédent à cause de la puissance et
du poids supérieur du nouveau type. L'incidence du plan fixe était encore réglable en
vol avec ses commandes conjuguées à celles des volets d'intrados pour maintenir la
position de l'avion en vol quelles que fussent les positions des volets.
Malgré la similitude des dimensions, la voilure était sensiblement différente par sa structure et la disposition des commandes. L'envergure, et donc la surface des ailerons, étaient réduites tandis que celles des volets étaient agrandies. A la place des volets de courbure, Riffard avait installé des volets d'intrados actionnés par un tube rigide. Mais la différence la plus notable était la structure bi-longeron qui remplaçait celle à longeron unique du type précédent. Cette modification présentait plusieurs avantages : la rigidité était améliorée et, par conséquent la résistance aux efforts de torsion pendant l'atterrissage ; il devenait également possible de loger un train rentrant entièrement à l'intérieur de l'aile. Cette disposition posait cependant quelques problèmes. Il n'était pas possible de les loger dans la région d'épaisseur maximum de la voilure, là où ils auraient offert la résistance maximum aux efforts avec une section maximum. Le spruce employé pour les longerons des C360 aurait dû être employé en blocs massifs et donc plus lourds. Riffard décida d'utiliser un bois tout nouveau en aéronautique, le Limbo, un noyer du Cameroun deux fois plus fort que le spruce et à peine plus lourd.
Le nouveau
train Charlestop avait une voie considérablement plus large. Une entretoise entre les
deux longerons de chaque aile portait une jambe élastique dont la rigidité était
assurée par une contrefiche arrière. L'escamotage du train nécessitait deux vérins. Le
premier relevait la jambe et la roue, tandis que le second les tiraient vers l'arrière
pour leur éviter de toucher le longeron avant. Au sol, en effet, le train n'était pas
perpendiculaire au plan des ailes, mais oblique vers l'avant. Les trappes étaient faites
de tôle de magnésium.
Pour
la seconde épreuve de la Coupe Deutsch de la Meurthe en 1934, la société des Avions
Caudron construisit quatre cellules du type C460. Cet effort remarquable pour une petite
entreprise, témoignait de la volonté de gagner de Marcel Riffard, et de la confiance
placée par Louis Renault en son directeur technique responsable de ses intérêts dans
l'aviation. Il semble aujourd'hui assez clair que le succès de l'équipe Riffard fut,
dans une large mesure, la conséquence de cet effort.
Quelque temps
avant l'épreuve, Marcel Riffard pensa que le train rentrant assez complexe finirait tôt
ou tard par poser des problèmes, et résolu d'équiper la dernière machine d'un train
fixe. Les vérins furent démontés, les ouvertures des emplacements furent obturées, la
largeur des fourches fut diminuée et les jambes reçurent un capotage plus fin se
terminant en lame de couteau. Georges Otfinovsky avait dessiné ces carénages dont la
traînée elle aussi était réduite. Après ces transformations, le quatrième C460 fut
désigné C450 - parce que moins évolué que les trois autres. Il pesait 12 kg de moins.
A noter que l'équipe Caudron Renault avait dû affronter un problème grave, pressenti par marcel Riffard : le train Charlestop n'était pas encore au point, et, pas plus tard que la veille de l'épreuve, plusieurs grippages du système oléo-pneumatique avaient empêché le verrouillage des trains en position haute ou basse. Il était impossible de remédier au défaut avant la course du lendemain et Marcel Riffard se résigna à faire voler les avions avec le train descendu, malgré les 40 km/h que ferait perdre aux avions la traînée supplémentaire. Pendant la nuit, les mécaniciens de Caudron fixèrent les biellettes de relevage et fabriquèrent des carénages de fortune. Les ouvertures de l'intrados furent bouchées avec du contre-plaqué collé et cloué. Les carénages en aluminium furent montés sur les avions quelques heures avant le départ, et furent prolongés sur les jambes et les contrefiches arrière par des protections différentes d'un appareil à l'autre. Ce problème de train rentrant ne fut réglé qu'après la compétition par le remplacement du train Charlestop par un train rentrant Messier.
En 1935, pour la 3ème édition de la Coupe Deutsch, le bureau d'étude de Caudron-Renault avait préparé une version plus élaborée du C460. Ce nouveau type était désigné C560. Il recevait un nouveau moteur Renault, le type 446 à 12 cylindres inversés qui donnait 500 ch au banc. Son capotage était, dans sa forme générale, assez semblable à celui du C460, bien que légèrement plus long, plus large et plus haut, avec une prise d'air sensiblement plus importante. L'axe du moteur était abaissé d'environ 50 mm.
Le dessin de l'avant du fuselage restait inchangé. L'augmentation du
poids du nouveau moteur obligea à modifier les surfaces de l'empennage. Le plan fixe fut
reculé de 100 mm environ, et les surfaces verticales agrandies, surtout le gouvernail,
afin d'améliorer la stabilité
en lacet. La hauteur de l'arrière du fuselage fut légèrement diminuée et le C560
acquit ainsi une ligne plus svelte encore, et un aspect plus puissant et plus fin.
Jusqu'à fin 1935, tous les projets Caudron de la Coupe Deutsch furent dessinés par Georges Otfinovsky. Début 1936, cependant, celui-ci fut accaparé par le "Typhon" (qui allait devenir le C714 de chasse) et d'autres projets. Marcel Riffard chargea donc M. Devlieger de préparer la Coupe Deutsch de 1936. Cet ingénieur était un spécialiste des constructions en bois. Souvenez-vous de cette époque : c'était la grève généralisée et toute l'industrie aéronautique attendait dans l'inquiétude les futures nationalisations. On ne pouvait réaliser de nouveaux avions. Un programme de modifications très étendu fut lancé sur les appareils disponibles.
De nouveaux
moteurs 6 cylindres d'une puissance portée à 350 ch furent installés sur deux des C460
quelques 5 cm plus bas qu'auparavant. Les fuselages furent dotés de nouveaux carénages
dessus et dessous, noyant totalement le poste de pilotage qui n'offrait plus le moindre
décrochement. L'ensemble dérive et gouvernail de forme presque semi-circulaire, moins
haut, eut une corde allongée. Deux grandes fenêtres latérales elliptiques compensèrent
l'absence de visibilité vers l'avant. Le tableau de bord fut fixé tout en haut à
l'intérieur de l'habitacle. Une longue
casserole
très pointue terminait le dessin très pur de l'appareil qui fut désigné C461. Riffard
estima que ces transformations, avec une hélice Ratier à commande électrique,
améliorerait la vitesse d'environ 20 km/ h.
L'un des C
560 fut modifié de façon semblable avec un nouveau moteur Renault 446 à réducteur
planétaire. Cet équipement éleva l'axe de l'hélice, donnant au nez une allure
menaçante, très différente. Malgré une longueur un peu plus grande, le fuselage
ressemblait à s'y méprendre avec celui du C461, à cause de l'habitacle noyé, et des
plans verticaux d'empennage semi-circulaires. La longue casserole pointue accentuait
encore la position très cabrée au soi de cette machine désignée C561 et dont on
attendait 550 km/ h.
Pour la Coupe Deutsch de 1936, 5 avions Caudron furent à nouveaux
engagés. Mais, même pour une maison spécialisée comme Caudron-Renault, les tracas ne
manquaient pas. Les nouveaux 6 cylindres se refroidissaient mal, et il s'avéra impossible
d'en tirer toute la puissance. Pire, les deux moteurs 12 cylindres en V avec réducteur
étaient loin d'être au point, si bien qui ni le C560 ni le C561 ne purent espérer
passer le cap de la qualification.
La date de l'épreuve de Coupe Deutsch 1936 avait été reculée au 13 septembre dans l'espoir que les participants sauraient tirer parti de quatre mois de préparation supplémentaires, et aussi parce qu'à cette saison, les prés moissonnés offrent de meilleurs terrains de dégagement. En attendant, on avait pris chez Caudron une décision très importante. On avait accepté de confier à Michel Détroyat, célèbre pilote de voltige sur Morane-Saulnier, un C460 pour courir les National Air Races aux Etats-Unis.
Les organisateurs américains avaient estimé que le Caudron de la coupe Deutsch auraient beaucoup de succès auprès du public pendant ces courses qui devaient avoir lieu à Mines Field, près de Los Angeles, en Californie, du 4 au 8 septembre.
Ce troisième
C460 (n° 6909), avec le radiateur d'huile agrandi comme sur le C450, était peint en bleu
très foncé avec le numéro de course 100 et une bande tricolore sur le fuselage. Le
premier jour, Détroyat le qualifia à 440,113 km/h... Le record du Thompson Trophy, la
plus prestigieuse de toutes les courses d'avion américaines, avait été établi en 1932
à 354,369 km/h sur un Gee-Bee R-1 muni d'un Pratt et Whitney de 800 CV environ. Les
prétentions de Détroyat étaient donc très claires.
Le C460 se présenta d'abord au Greve Trophy du 6 septembre, une épreuve limitée aux moteurs d'une cylindrée de 9 litres environs. Il fallait parcourir 20 tours d'un circuit triangulaire de 8,047 km, soit 100 miles (160,935 km). Tous les concurrents décollaient ensemble, viraient brusquement autour du "scattering pylon" et s'engageaient sur le circuit. Détroyat quitta le sol le premier dès que l'hélice fut passée au grand pas, et pris la tête. En deux tours, plein gaz, il pris de l'avance, puis, moins vite, s'assura simplement de ne pas être rattrapé. Sa moyenne fut de 431,230 km/h. Celle de son second, Harold Neumann sur son Folkerts SK-2 fut de 363,700 km/h.
Le 7 septembre, pour le Thompson Trophy, la cylindrée n'était pas limitée, et il fallait couvrir 15 tours de 16,093 km. Malgré une brume soudaine, Détroyat décolla encore le premier et tourna le parcours aux quatre virages manifestement plus vite que le Rider R-3 au moteur P&W Wasp Senior de 750 CV, et tous les autres.
Virant
sans perte de temps, Détroyat boucla le premier tour à 484,370 km/h, le second à
462,750, puis ralentit après avoir pris un tour avance sur le Rider et deux sur tous les
autres avions ! Il termina à la moyenne de 425,288 km/h, devant le Rider (399,186 km/h).
Malgré une plainte de Roscoe Turner, le plus fameux pilote de vitesse américain, le
triomphe de Caudron et de Marcel Riffard était total. Turner prétendit que Caudron
Renault bénéficiait de l'appui financier de l'état français, mais on put facilement
prouver que les quatre années d'effort de la firme avaient été payées sur fonds
privés. Les victoires de Détroyat étaient nettes et sans bavures.
Caractéristiques | C362 |
C366 |
C450 / 460 |
C560 |
C461 |
C561 |
Envergure (m) | 6,80 |
6,80 |
6,80 |
6,80 |
6,80 |
6,80 |
Cordes (m) | 1,50 / 0,60 |
1,50 / 0,60 |
1,50 /,0.60 |
1,50 /,0.60 |
1,50 /,0.60 |
1,50 /,0.60 |
Surface (m²) | 7,00 |
7,00 |
6,90 |
6,90 |
6,90 |
6,90 |
Profil (%) | 12,8 / 6,4 |
12,8 / 6,4 |
13 / 6,5 |
13 / 6 |
13 / 6,5 |
13 / 6 |
Longueur (m) | 7,07 |
6,88 |
7,13 |
7,30 |
7,35 |
7,50 |
Masse à vide (kg) | 405 |
405 |
520 |
600 |
520 |
600 |
En ordre de vol | 695 |
695 |
900 |
1000 |
900 |
1000 |
Moteur | Renault 4Pdi 4 cylindres |
Régnier R6 6 cylindres |
Renault 433 6 Cylindres |
Renault 446 12 Cylindres |
Renault 456 6 Cylindres |
Renault 446 12 Cylindres |
Cylindrée (l) | 6,33 |
8,00 |
7,95 |
7,94 |
7,95 |
7,94 |
Puissance (coupe Deutsch) | 170 ch à 2500 trs/mn |
205 ch à 2450 trs/mn |
320 ch à 3000 trs/mn |
500 ch à 4500 trs/mn |
370 ch à 3200 trs/mn |
500 ch à 4500 trs/mn |
Vitesse sur circuit (km/h) | 320 |
360 |
390 / 445 |
500 |
470 |
530 |
Premier vol | 1933 |
1933 |
1934 |
1935 |
1936 |
1936 |
Quantité construite | 2 |
1 |
1 / 3 |
2 |
2 C460 mod. |
1 C560 mod. |
Palmarès Coupe Deutsch | 2ème en1933 |
2ème en 1934 |
450 : 1er en 34 460 : 1er en 35 450 : 1er en 36 |
Pour réaliser une maquette de Caudron en modèle réduit, il faut garder à l'esprit un seul critère : légèreté ! En effet, lorsqu'on compare le volume général à la surface alaire, on se dit que la plume est minuscule. Mais non ! C'est le fuselage qui est gros Donc attention à bien choisir ses matériaux de construction. Si la charge alaire est raisonnable, il n'y a aucune raison que ça vole mal, car les proportions (bras de leviers) sont voisines d'un multi.
A ma connaissance, il n'existe que deux plans de racer Caudron publiés en France :
C450 échelle 1/4, référence 575.550, publié dans le MRA n° 550 (septembre 1985)
C366 échelle 1/5, publié en plan encarté dans le RCM n° 222 (octobre 1999)
Par contre, des modèles de C460 participent régulièrement aux courses de racers modèles réduits aux Etats-Unis Alors qu'attendons-nous pour reproduire une belle page de l'aviation française ?
Malheureusement, peu de photos valables, donc impossibilité de réaliser un dossier maquette "concours". Néanmoins, il existe de quoi construire une très belle semi-maquette :
Le Fanatique de l'aviation n° 146 à 149 (janvier/avril 1982)
Aero Modeller n° 343 (août 64)
Pilote Privé n° 54 à 56 (juin/août 78)
Scale Model Research (plan 3 vues C460 réf. RA06), distribué en France par Fly