Bernard Dumas
Les bimoteurs en aéromodélisme
Si
vous avez franchi avec succès les premières étapes de l'apprentissage de l'aéromodélisme
et si vous êtes à la recherche de nouvelles expériences, alors laissez-vous
tenter par le bimoteur, voire le tri et pourquoi pas le quadrimoteur.
Mais,
même si l'on peut être admiratif, et il y a de quoi, devant les p'tits gros
qui représentent la vitrine de notre activité, la plupart des modélistes ne
sont pas des gens fortunés, et nous limiterons donc notre champ d'investigation
aux seuls bimoteurs destinés aux plus grand nombre.
Je
ne parlerai que des versions à moteurs thermiques; les modèles électriques
qui font aujourd'hui l'objet d'un grand battage médiatique sont certes beaucoup
simples mais n'ont absolument pas le même charme. Je voudrais profiter de
l'occasion qui m'est présentée pour essayer de démystifier ces fameux
bimoteurs thermiques qui ont toujours une aussi mauvaise réputation et que l'on
voit toujours aussi peu sur les terrains. L'ennui est que souvent ce sont ceux
qui connaissent le moins qui en parlent le plus, et font courir bon nombre
d'informations voire pire, d'affirmations parfaitement irrationnelles.
Toutefois, restons objectif, il ne s'agit pas ici de sous-estimer ou de
surestimer quoi que ce soit, les bimoteurs ne sont pas et ne seront jamais des
modèles de début. Simplement avec un minimum de bon sens et une approche
logique du sujet, il est largement possible de se lancer dans l'aventure en
mettant tous les atouts de son côté.
Si vous n'arrivez pas à démarrer vos moteurs sans vous y exciter dessus et n’obtenez qu’il obtempère qu'après avoir lancer des bordées d'injures, ce qui suit ne vous intéresse pas, si au contraire vous respectez les procédures normales de démarrage et que vous n'avez pas de soucis particuliers vous pouvez sans craintes tentez l'expérience. Voici les règles de base qui devraient vous éviter de mauvaises surprises plus tard. J'ai essayé de les hiérarchiser par ordre d'importance.
Canadair CL-215
Les
aspects techniques
Moteurs
– hélices
Sur
un appareil dont la rectitude de la trajectoire dépend prioritairement de la
symétrie de traction entre le côté gauche et le côté droit, vous vous
doutez bien que le choix des moteurs est crucial. Si il y a un poste où il faut
pas lésiner c'est bien celui-ci, ne montez en aucun cas des moteurs différents
(sous prétexte que vous les avez déjà) ni des bas de gamme, l'économie réalisée
risque fort de vous emmener dans des aventures hasardeuses propres à entretenir
les légendes décrites plus haut. Préférez les moteurs avec vilebrequin monté
sur roulements qui sont généralement plus stables dans les réglages, optez
aussi pour les pointeaux décalés qui sont plus sûrs à manipuler.
Concernant
les commandes de gaz, un servo par moteur est la meilleure solution. Le mieux étant
l'ennemi du bien, ne compliquez pas ce montage, je pense qu'il n'est ni nécessaire
ni souhaitable de mettre chaque servo sur une voie séparée. Un cordon Y fera
l'affaire, ensuite réglez les longueurs des tringleries par les chapes en se
calant sur le plein gaz, ça fonctionne très bien et ce n'est pas si difficile
à faire, dans tous les cas passez-y quelques minutes et vous serez tranquilles
pour longtemps.
Vous
n'imaginez le nombre de conseilleurs qui m'ont suggéré de monter des capteurs
de rotation utilisés en compte-tours sur les hélices de façon à équilibrer
les tractions par asservissement des servos, je ne nie pas que tels systèmes
existent ou du moins peut-on trouver les schémas pour les réaliser, cependant
dans la pratique si le modèle choisi répond aux critères listés ci-après ce
genre d'artifice relativement compliqué est parfaitement inutile. Je passe sur
ceux qui me conseillaient des moteurs tournant en sens inverse l'un de l'autre,
ils n'ont jamais pu me dire qui en fabriquait !!!
Pour
les hélices, choisissez-les du plus grand diamètre possible préconisé par le
fabricant du moteur, le but étant d'avoir le meilleur compris traction-régime
de rotation.
Avec
de grandes hélices, le régime de rotation sera moindre, cela vous permettra de
limiter l'embardée en cas de défaillance éventuelle d'un moteur tout en économisant
la mécanique, de plus les moteurs à méthanol ne calent que très rarement
dans les régimes intermédiaires, mais plutôt en plein gaz
ou au ralenti. En tout cas un bimoteur ne doit pas avoir des moteurs
hurlants, sauf peut être sur un racer mais je ne pense pas que ce soit la
meilleure façon de débuter !
Rappelez-vous
aussi que la traction générée par un bimoteur est plus importante que celle
obtenue par un monomoteur d'une cylindrée double de la sienne.
Exemple
:
Cas
1 :
2 moteurs de 7.5 cm3 avec des hélices de 12" = 304,8 mm (r = 152,4)
Cas
2 :
un moteur de 15 cm3 pourra tourner au mieux une hélice de 15' = 381 mm (r =
190,5 mm)
La
surface d'un cercle étant pi
x r²
Dans
le cas 1, on aura donc une surface totale de 2 x pi
x 152,4² = 145 930 mm²
Dans
le cas 2, on aura une surface de pi
x 190,5² = 114 009 mm²
Le rapport entre les deux étant de 1,28, tous autres paramètres égaux par ailleurs, avec la même cylindrée totale le bimoteur aura donc une traction supérieure d'au moins 28 % !!!
PBY Catalina
Limiter
les conséquences en cas de calé moteur
Moteurs
le plus rapprochés possibles de l'axe du fuselage
Grande
dérive à même de s'opposer au couple dans ce cas de figure (de plus la
stabilité du vol sera améliorée)
Voici
quelques exemples d'appareils qui répondent à ces critères, mais il y en a
bien d'autres :
Transall
C160
Canadair
CL-215
PBY
Catalina
Vitesses
de vol et d'approche pas trop élevées
Ailes
rectangulaires (stabilité de vol et facilité de construction) avec un profil
porteur épais (tant pis pour la traînée induite).
Construction
légère.
Volets
hypersustentateurs (permet une charge alaire plus élevée).
Alimentation
électrique
Même si l'objectif est de construire un modèle abordable, un bimoteur est nécessairement plus cher qu'un monomoteur, aussi n'hésitez pas à installer un accus de secours. Vous ne vous pardonneriez pas de ne pas l'avoir prévu, si un jour l'accus principal déclarait forfait.
C160 Transall
Aspects
pratiques
Cela
peut paraître bête à dire, mais pensez au rangement, au transport, et au
temps de mise en œuvre sur le terrain (demandez l'avis aux possesseurs de
biplans avec haubans et ailes en plusieurs parties) :
ailes
en une pièce (envergure conditionnée par la taille de votre véhicule),
fuselage
d'encombrement compatible avec votre moyen de transport.
Aspects
budgétaires
Le
seul moyen de limiter les frais est d'utiliser des moteurs, servos, accus et récepteurs
de grande diffusion mais néanmoins de grandes marques.
Pour les matériaux de construction : du traditionnel, mais là, libre à vous d'utiliser les techniques qui vont sont usuelles.
Britten Norman Trislander
Conseils de pré-vol et de vol
Si
un monomoteur demande certaines précautions avant de prendre l'air, un bimoteur
en exige encore un peu plus.
Le
point essentiel étant (vous l'auriez deviné) la synchronisation des moteurs,
passez-y le temps qu'il faut mais ne tentez en aucun cas le décollage si tout
n'est pas au point.
Quand
les deux moteurs atteignent le régime de résonance ils produisent un bruit très
caractéristique que l’on ne peut retrouver que sur ce type d’appareil, je
crois qu’une fois que vous en aurez entendu tourner un vous risquez fort de
devenir accros.
Néanmoins
il ne faut quand même pas faire une fixation sur la synchronisation parfaite,
car un modèle sain et construit dans les règles de l'art, acceptera facilement
500 tr/min d'écart entre les deux moteurs sans que cela pose le moindre problème.
Suivant
les conditions, le vol peut demander de légères corrections à la dérive mais
rien de déroutant.
Point important : pendant la phase d'approche ne réduisez jamais trop les gaz, surtout sur un modèle avec volets, car les disques représentés par les hélices en rotation se transforment alors en véritables aérofreins.
Nord 2501 Noratlas
Voilà, j'espère que ces modestes conseils vous auront donné l'envie de réaliser un bimoteur à échelle réduite.
NDLR : vous trouverez sur le site de Bernard tout une foule de renseignements sur son avion fétiche, le Canadair CL-215 : http://perso.infonie.fr/bernard.dumas/